Une nouvelle perspective sur l’éradication de la pauvreté

Le 17 octobre marque la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, une journée qui nous invite à réfléchir à un défi mondial profondément enraciné. Si le monde tend souvent à privilégier des solutions matérielles à la pauvreté, la Communauté internationale bahá’íe plaide depuis longtemps pour une approche plus holistique, rappelant qu’une relation cohérente entre les dimensions matérielle et spirituelle de la vie est essentielle à l’édification d’une société véritablement juste.

Dans une déclaration présentée à la Commission du développement social en 2012, les représentants bahá’ís ont souligné une vérité essentielle, toujours d’actualité : se concentrer uniquement sur la création de richesses n’a pas entraîné une amélioration généralisée de la qualité de vie des habitants de la planète. Malgré une augmentation des richesses dans certaines régions du monde, les inégalités demeurent criantes. Cela suggère que la recherche du progrès, lorsqu’elle est mesurée exclusivement à l’aune de l’accumulation matérielle, sape souvent l’objectif même qu’elle prétend atteindre.

Une crainte répandue aujourd’hui est que la limitation des richesses extrêmes freinerait la croissance économique. Or, les principes bahá’ís remettent en question cette idée en recentrant la réflexion sur la nature morale et la finalité de l’activité économique, tout en soulignant que la véritable prospérité doit être à la fois juste et universelle. Le principe fondamental demeure l’abolition des extrêmes de richesse et de pauvreté. Si la richesse n’est pas condamnée en soi, son accumulation démesurée face à une misère persistante est perçue comme une injustice fondamentale et un obstacle à la paix. L’objectif est d’atteindre un juste milieu, où la prospérité individuelle s’équilibre avec le bien-être collectif.

Cette perspective ne consiste pas à rejeter la prospérité, mais à promouvoir une autre manière de penser l’économie : une approche qui s’attache non seulement à la quantité de richesses acquises, mais aussi à la manière dont elles le sont et à la finalité de leur usage. Elle appelle également à un changement fondamental dans la façon dont nous percevons les êtres humains. Considérer les personnes simplement comme des consommateurs ou des utilisateurs réduit les relations humaines à de simples transactions matérielles et occulte la richesse de la diversité et de l’expérience humaines.

Une approche éthique et spirituelle de l’économie suppose que la richesse n’est légitime que lorsqu’elle est acquise par des moyens honnêtes et investis de manière constructive, pour répondre aux besoins personnels tout en contribuant au progrès de l’humanité. Contrairement à une économie purement matérialiste, les principes bahá’ís privilégient le développement spirituel et social. L’économie doit être guidée par une vision universelle, considérant l’humanité comme un tout cohérent, où la vitalité du système dans son ensemble dépend de la santé de chacun de ses éléments. Cette approche prône un équilibre entre l’être et l’avoir, où les moyens matériels servent le progrès de l’individu et de la société.

En somme, la réponse bahá’íe au dilemme entre croissance et équité est que le moteur d’une véritable croissance durable n’est pas la cupidité sans limite, mais la justice et l’altruisme, enracinés dans le principe de l’unité du genre humain. Une économie qui ne répond pas aux besoins de l’ensemble de l’humanité ne saurait être considérée comme saine ni viable à long terme.

Dans son exhortation à incarner les qualités divines, Dieu nous rappelle : « Donner et se montrer généreux font partie de mes attributs, heureux celui qui se pare de mes vertus. » De telles qualités incluent l’amour, le sacrifice et la quête du savoir. Le monde matériel, tout en suscitant l’inspiration, impose aussi des limites et des pressions hiérarchiques qui freinent l’immense potentiel créatif et entreprenant latent en chaque être humain. Le véritable développement économique ne devrait donc pas seulement engendrer des richesses, mais aussi favoriser des relations justes et pacifiques, en permettant à chacun de contribuer à son propre progrès et à celui de la société tout entière.

Cultiver un esprit de véritable générosité influe également sur le développement économique. Plus les liens de collaboration et de coopération au sein d’une population sont forts, plus cette communauté devient résiliente, sûre, cohésive et en bonne santé, et plus elle est capable de répondre à ses besoins spécifiques. Des qualités spirituelles telles que la compassion, la patience, la fiabilité, l’humilité, le courage et la disposition au sacrifice pour le bien commun constituent le fondement invisible mais essentiel d’une vie communautaire en progrès. Chacun de nous doit reconnaître et nourrir la dimension spirituelle de son être, celle qui a enrichi la vie des peuples à travers les âges. La véritable civilisation ne naît pas du seul progrès matériel, mais se définit par les valeurs transcendantes qui assurent la cohésion de la société.

À Maurice, la communauté bahá’íe met en pratique le principe de la cohérence entre développement matériel et spirituel à travers un ensemble d’efforts communautaires fondamentaux, destinés à développer les capacités des individus pour qu’ils deviennent les protagonistes de leur propre développement et de celui de leur communauté. L’éducation spirituelle, mise en œuvre dans des classes de quartier où l’on cultive la capacité morale et le caractère des enfants et des jeunes, constitue le véritable moteur d’une croissance durable. Cette base alimente le service et la cohésion sociale, donnant naissance à des initiatives communes, familles offrant du tutorat, embellissement d’espaces publics, qui renforcent l’autonomie et la solidarité communautaire. Ces efforts nourrissent également le discours public, en dépassant le matérialisme transactionnel et en valorisant la diversité humaine et les perspectives unifiées. L’action sociale, quant à elle, veille à ce que la finalité morale de la vie économique reste constamment mise en œuvre. Les initiatives locales, telles que des campagnes de nettoyage ou des cours d’alphabétisation organisés par les jeunes, naissent d’un désir sincère de servir l’humanité. Un exemple particulièrement marquant est celui des conférences de femmes organisées à l’échelle locale, qui permettent à celles-ci de devenir les actrices de leur propre développement et de celui de leur communauté, en relevant des défis concrets, en favorisant la croissance spirituelle et en développant leurs capacités de leadership. En définitive, la communauté bahá’íe de Maurice mesure sa richesse à la qualité de son capital humain : des individus animés par la vertu et dévoués au bien-être collectif.

En observant cette journée importante, prenons un moment pour réfléchir à l’avenir économique que nous souhaitons bâtir au sein de nos propres communautés. En engageant le dialogue avec nos voisins, nos amis et nos collègues sur ces idées, nous pouvons commencer à semer les pensées et les actions qui conduisent à une société plus harmonieuse et plus prospère pour tous : une société qui reconnaît qu’une vie dans la dignité dépasse de loin ce que contiennent nos portefeuilles.

« La richesse est très louable pour autant que toute la population en profite. Si, toutefois,

quelques-uns sont extrêmement riches alors que les autres sont misérables, et qu’aucun fruit ni

bénéfice ne découle de cette richesse, elle n’est alors qu’un danger pour son possesseur.»

Le Bureau des affaires extérieures des bahá’ís de Maurice

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